Le territoire de la littérature
Une lecture de Pascal Quignard, L'Homme aux trois lettres
Le très puissant royaume de la lecture, le très retiré et
très bien gardé, le très hospitalier cependant pour qui le cherche avec le
désir de s'y perdre, le paradis dont nous n'aurions jamais été bannis. Il est
contigu et même intérieur à celui de l'écriture — ou bien l'inverse ?, à se demander s'ils ne sont pas un seul et même
lieu.
Sur quelle carte de la terre ou du ciel les situer ?
Comment y entrer ?
Comment en écrire ?
Quels moments, dans quels temps ?
Le livre de Pascal Quignard, le plus récent dans la série du
Dernier Royaume, le onzième, nous
répond, de deux manières, indiscernables : en localisant chaque lecture et en
écrivant de ses lectures.
Car on ne peut évoquer la lecture qu'en écrivant :
Je lis dans
le silence.
Et écrire, c'est continuer de lire dans le silence. (112)
Le lieu de la lecture
Commençons par le commencement, lisons le chapitre I, sans titre.
Ouverture de clarté et de silence, d'intensité retenue, de
significations, de style.
Quatre personnages : le chiot Croc-Blanc, « au
début du merveilleux roman de Jack London », découvrant le monde de la
lumière au sortir de la grotte humide et froide où la louve l'a mis bas et
nourri chichement ; Augustin, au seuil de sa conversion, contemplant saint Ambroise
qui lit sans murmurer ; l'évêque de Rennes en 1509, Aemar Hennequin, traduisant le
récit de saint Augustin : « Souventes
fois, lors que nous étions présents en sa chambre, nous l'avons veu lire en ceste façon, c'est à dire sans remuer les lèvres,
se tenant en grand silence et requoy, et presque
jamais je ne l'ai veu lire autrement » ;
Monsieur de Pontchâteau, à Port-Royal-des-Champs en 1678, « qui avait
toujours ce mot de L'Imitation de
Jésus-Christ à la bouche : Quaesivi in omnibus
requiem et nusquam inveni nisi in angulo cum libro.
J'ai cherché partout dans ce monde le repos (le requiem, le requoy)
et je ne l'ai nulle part trouvé que dans un coin avec un livre. »
L'idée, les images profuses, le mythe : les livres habitent
un univers séparé où l'on ne pénètre — livre par livre — que si on se retire du monde, que si on
se rencogne en quelque retrait du monde, en quelque coin, en un silence où on
articule la parole muette d'un livre, en un for intérieur défendu du monde.
C'est un chant solitaire que seul celui qui lit entend. L'absence
de son externe, l'absence totale de tapage, de gémissement, de huée,
l'éloignement maximum de la vocalisation et de la foule des humains que les
livres permettent, ramènent une très profonde musique qui a commencé avant que
le monde apparaisse. La vraie musique peut-être la relaie elle aussi dès lors
qu'elle est écrite. Amo litteras. J'aime les lettres. (7)
« Che silenzio ! » s'exclama le Bernin quand on dévoila
sous ses yeux deux grandes bacchanales
qu'on venait d'apporter du Poussin.
Il arrive que le silence des
tableaux ajoute son silence au silence des livres.
Mais, plus encore que ces deux
silences particuliers qui s'additionnent — et l'étrange paix qu'ils
induisent à l'intérieur du désir qu'ils éveillent l'un dans le monde de
l'image, l'autre dans le monde du symbole —, il y a quelque chose de
fascinant à voir quelqu'un lire en silence. (10-11)
C'est donc Augustin, pas encore chrétien, fasciné devant saint
Ambroise et n'en croyant pas ses yeux, c'est lui qui nous suggère le lieu de la
lecture. Telle est la voie, telle est l'ascèse du lecteur qui lui mérite
l'accès à ce jardin et qui le sépare de ceux qui ne lisent pas ou croient
savoir lire : Ambroise s'est absenté. Où ?
Bientôt saint Augustin saura évoquer le lieu où l'on trouve le
Seigneur (Deus meus, ô mon Dieu), le
même lieu sans doute où Ambroise
lisait, le for intérieur de l'un et de l'autre. S'adressant à Dieu, il peut
maintenant écrire, selon la formule connue : « Mais toi, tu étais
plus intérieur que l'intime de moi-même et plus haut que le plus haut de
moi-même, interior intimo meo et superior summo meo. »
Laïcisons saint Augustin, sans perdre l'esprit de sa vision.
Croyons-en sa topologie de la psyché
et le génie de sa langue : cette espèce de miracle se passe en nous-même, au
lieu plus intérieur que notre intimité, plus totalisant que la somme des
parties dont nous sommes faits, quand et si nous redisons fidèlement l'écrit de
tout livre que nous lisons.
Entrons dans les trente-sept chapitres titrés, dans les trente-sept occurrences d'une
expŽrience de la lecture et de l'écriture.
Chapitre XXXII : « Pétrarque écrit à
Cicéron »
Il y a dans la liturgie chrétienne des chants appelés
proses. Ce sont des passages anciens, intégrés dans de grands offices, par
exemple dans la semaine de Pâques. Ce sont des
chants mais, clairement opposables aux hymnes, ils ont reçu le nom de séquences
ou de proses. Ainsi
le Lauda Sion, le Veni Sancte Spiritus
ou le Dies irae.
Telles pourraient se nommer les séquences brèves de Pascal
Quignard, qui sont des proses poétiques, libérées des lois du poème en prose
inventé par Aloysius Bertrand et pratiqué par Baudelaire et Mallarmé, celui-ci
avant ses grandes proses comme La Musique
et les Lettres, encore plus libres, encore plus rythmées.
Ce sont ici des proses plus modestes que celles de Mallarmé,
mais portées également à la louange de la langue française et des Lettres, par allusions et par actions. Ainsi la prose consacrée à Pétrarque,
l'une des deux vouées au poète italien — l'autre étant au chapitre XXXVII,
« Sur la lettre y », une lecture de l'un des dialogues de Pétrarque
où celui-ci apparaît en compagnie de saint Augustin.
Cette prose-ci orchestre :
á un récit, celui où l'on voit quelqu'un apporter
à Pétrarque des lettres de Cicéron que l'on croyait perdues à jamais et Pétrarque
écrire à Cicéron en latin
á des fragments d'une autobiographie de l'auteur :
« Du temps où j'étais enfant de chœur, dans le port en ruine du Havre de
Grâce, la messe était toujours volontairement incompréhensible et officiée sous
sa forme latine. »
á une réflexion sur la nature de l'homme :
« Nous sommes des créatures ab alio
— passant par l'autre. »
á une vision de la lecture : « Au fond
de la lecture nous sommes au fond de l'autre. »
á une vision des langues : « Le latin
temporellement (plutôt qu'étymologiquement) déverrouille toutes les formes du
français. Droit à payer pour dire l'intime, l'obscène, le malin, le cru,
l'enfer, l'origine. Joie de l'ab alio. I am addict — et je
parle encore latin. Addictus sum. L'humanité — le prédateur qui
a volé tous les prédateurs dans leurs mœurs, leurs bois, leurs plumes, leurs
fourrures, leurs peaux, leurs cornes, leurs défenses, leurs dents —
a toujours besoin de l'autorisation archaïque. »
Cette autorisation en nous de l'Ancien nous parvient à travers une
langue morte, et de bien plus loin que celle-ci n'était vivante.
Ce chapitre n'est pas une hymne ambrosienne mais une prose,
écrite dans une langue somptueuse qui bientôt, peut-être, glissera par pans à
l'incompréhension des lecteurs, comme déjà celle de La Fontaine. Toutefois des
écrivains français, compris ou pas, continueront sans doute à choisir, entre
deux mots, le plus chargé en latinité.
Chapitre III, un mot en trois lettres
Ce sont des espèces de méditations, séparées et disparates,
sur bien des thèmes, et réunies autour d'un mythe, engagé dès les chapitres II
et III et rappelé souvent, celui du
voleur : tel est le sens du titre, L'Homme
aux trois lettres. Ces trois
lettres sont celles du mot latin de fur.
Mon royaume qui n'est pas dans mon âme est peut-être dans le
temps. C'est ainsi que la mort surgit au cours de la vie de la même manière que
l'homme aux trois lettres est le souverain des deux royaumes où il agit furtivement. Il file. Soudain il se
dissout. L'un est un fantasme. L'autre une hallucination. Telle est la thèse
que vient défendre le onzième tome de ce Dernier
Royaume. (28)
Confirmation : l'homme est un prédateur. « L'homme
aux trois lettres est le roi furtif — celui qui va et
vient — à l'aide de sa langue silencieuse — celle qui
s'écrit et se tait — entre les deux royaumes — utérin et
solaire — où se tient tout entière la brève expérience possible pour
chacun. » Fur et Rex, trois lettres également.
Nous sommes surpris car nous n'attendions pas ici que l'écriture
soit aussi un mode du rapt. Nous aurions pu penser qu'elle enrichit le Royaume,
qu'elle est de son côté. Non pas :
Écrire est un
étrange toucher. Une énergie musculaire, anale, expressive, expulsante, guide
encore les muscles des doigts. Cette énergie, refluant de la masturbation
enfantine, elle-même relayant la saisie prédative animale
victorieuse, agrippe avec une
véritable détermination inentamée.
On sert de toutes ses forces un bout
de tube qui fait vivre. Cela devient un bout de silex. Cela devient une plume d'oie.
Cela devient une navette d'os. Cela devient une aiguille de fer.
On rature comme Montaigne.
On tisse comme Philomèle violée.
On brode comme la reine Mathilde. (90-91)
Menues provocations, légers mouvements imprimés à certains mots,
mélange de noms propres. Toute une anthropologie de l'écriture, où règne une
énergétique.
Proses en l'honneur des lettres
Le livre de Pascal Quignard, on l'appellerait bien
méditations métaphysiques mais le titre est déjà pris, et ce livre n'a rien de
métaphysique et tout plutôt d'une certaine physique, celle de la lecture et celle
de l'écriture. Il n'évoque pas une méthode de recherche de la vérité. Il constitue
des expériences diverses de lectures et d'écritures de toutes sortes, désordonnées
et compulsives, toutes vraies de livres réels.
Ce sont des méditations hantées, dont la hantise est
déclarée, celle d'un premier royaume et d'un tout Dernier Royaume —, le plus intime à celui de la lecture,
celui qui comprend celui de la lecture : celui de l'écriture.
Précisons. Il n'y a là dedans ni antériorité ni
postériorité, ni premier ni dernier mot de l'histoire : la traversée de ce
temps-là se fait dans l'intime à chacune de ces expériences. C'est dans les
phrases de Quignard que, vers la fin du livre, les pratiques magiques de
l'amour sont évoquées et que le roi lecteur, Louis XI, et le chevalier
solitaire, Lancelot, se trouvent réunis pour inventer la littérature.
Comment répondre aux lectures des écrits et répondre
d'elles, sinon en témoignant, en écrivant ?
C'est bien notre langue commune, telle que rapportée sans
cesse par nous, et le plus souvent de manière inconsciente, à ses origines
latines, au latin dans le règne duquel, tout virtuel, nous parlons encore.
C'est bien notre langue usuelle, mais écrite et stylée,
appropriée nommément à l'un d'entre nous, étrangère déjà rien que par là, sans
que lui en soit enrichi en biens ou en qualités.
La tonalité d'ensemble du livre est celle du lyrisme : d'un
lyrisme par ailleurs connu et répertorié, celui du temps et des espaces traversés.
Dans Quignard, c'est un lyrisme ample et retenu, tendu. Un lyrisme furtif et
inquiet, comme craignant d'être surpris en flagrant délit de Lyrisme. Une
langue précise et élégante, un français parfaitement grammatical et néanmoins étrange,
qui donne à entendre, ici et maintenant, des parlers très anciens, ceux que
nous appelons en bloc indo-européens, où « Au voleur ! »
— le cri des premiers agriculteurs éleveurs, suivi de violences et
de meurtres — se formulait en quelque chose comme Fur ! ou Phôr !
Les occasions de l'écriture, c'est des lectures, ou le
réveil quand on s'est endormi en lisant, ou un personnage (« Héraclite
d'Éphèse »), ou une question à soi-même posée inopinément
(« Qu'est-ce qu'un enfant ? », « Qu'est-ce qu'un
lit ? »), ou un hommage à un fondeur historique de caractères et à un
ami imprimeur, récemment décédé (« Sur le caractère garamond dans lequel
est composé ce livre »), ou une promenade aux champignons avec Freud et
Ferenczi (« L'odeur du jadis »)… Les lectures s'adressent aussi bien à
un Japonais de 1430 ou à un poète anglais du XVIIe siècle, aux Évangiles, à
Pétrarque, aux mythologies, aux thèmes de l'amour ou du jeu… Des souvenirs
d'enfance, des rêves, des descriptions, des citations, des moments de la
journée…
Attaques, continuation et ruptures : mettre du
mouvement dans chaque séquence par élans coupés, voltefaces, paradoxes…
Mais aussi et surtout, il y a dans ce volume et, je suppose,
dans chacun de ceux du Royaume, le
goût et l'entraînement, la passion et le besoin, l'addiction à l'écriture en
tant que telle, comme expérience du vide. Royaume dernier et dernier royaume. Après
que bien des royaumes se sont écroulés — pas forcément dénommés
comme tels par eux-mêmes ni par leurs sujets ni par leurs admirateurs —
et que les passions qui les animaient à subsister et à se défendre, à
conquérir et à opprimer se sont dissipées, et que tout cela, institutions et principes de
ces régimes, a disparu, il n'en reste qu'un, lequel est immatériel, mais très
réglé et très solide, et toujours renaissant.
Quoi qu'il en soit de ses prétextes, l'écriture, surtout
dans le français, observe des lois qui ne laissent aucune place à l'arbitraire
et tout à l'invention. Un dictionnaire plus pauvre que bien d'autres, une
syntaxe impitoyable de raideur — rien à voir avec le latin ni
surtout le grec ancien —, et une liste des écrivains qui répondirent
à l'obligation de faire œuvre avec si peu.
Cette liste s'appellerait ici la littérature française, si l'ambition de Pascal
Quignard était d'y inscrire son nom en dur. Il n'a rien contre ses confrères,
mais ce n'est pas son genre : il n'envisage pas l'écriture comme création
mais comme dilapidation de forces s'employant à détruire, en vue d'approcher le
silence qui régne avant toute littérature. Pas de
dédain non plus : une légère ironie, qui s'adresserait aussi à elle-même.
Une lumière est bien là, riche mais sans coups d'éclats ni
développements, ménagée par légères surprises et petites mines de guérilla posées
au coin d'une phrase, immédiatement reconnaissable — c'est bien ce
qu'on demande à un style.
Qu'est-ce que la littérature ?
Entre les chapitres V « A comme alf
ou aleph » et IX « Le mot littérature est sans origine », une
suite de cinq proses dédiée à la littérature même. Empruntant d'abord au ton
des épopées anciennes énigmatiques, puis à un épisode de l'enfance chrétienne puis
au matériel des mythes et des histoires, elles tournent autour du thème de la
littérature décrite comme le petit nombre de signes assemblés par les écrivains. Prodige
d'économie : le rendement fabuleux que nul investisseur n'a jamais
attendu, le rapport qu'autorise le système de ces signes abstraits chacun de
toute référence — l'infini contre les vingt-quatre lettres d'un
alphabet.
Ce que suggèrent ces séquences, c'est que la littérature
serait par exemple, au défaut de la parole, la profération muette d'événements
survenus à des personnages tels que Philomèle violée ou Cicéron décapité,
auxquels on arracha la langue pour les empêcher de parler.
« Chante toujours dans l'écrit [une] vocalisation
primitive insensée. Une voix sauvage
et silencieuse hante toujours dans l'imago archaïque ou pictographique ou
cunéiforme ou hiéroglyphique des lignes écrites » (51).
Le khi était la première lettre du mot Christos
parce qu'il avait été jadis l'initiale du premier des dieux antiques qui
s'appelait Chaos. Chaque mot lui-même est un fantôme. Chaque lexique est une
population d'ombres. La littérature tue le maître et disloque sa maîtrise
partout où elle affleure en sorte de faire revenir les visages méconnaissables
de ceux qu'elle a exterminés. (39-40)
Ainsi l'origine de la littérature est-elle introuvable et sa
définition impossible. Indiscernable, impossible à circonscrire, par principe.
À la manière des enchaînements enfantins, approcher
toujours, ne toucher jamais :
Prendre dans son « dans » c'est penser.
Penser c'est contenir. Contenir c'est concevoir. Concevoir c'est commencer à être. Commencer à être devient naître. Naître
c'est commencer à commencer. Écrire c'est continuer de commencer à commencer.
(122)
S'éviter ainsi bien des apories et des désillusions, assumer
le fait :
J'aurai consacré ma vie à une proie
insaisissable
dont le nom
n'avait aucun sens,
ni usage, ni
fonction, ni dessein, ni origine, ni but. (63)
Propos hors champ de Pascal Quignard
Récemment, dans un entretien donné à l'hebdomadaire Marianne
pour accompagner la sortie de son livre, Pascal Quignard a dit : « Je veux me perdre dans quelque chose de plus
grand que moi. »
Il s'agit de se perdre dans un océan, dit-il : « Il y a quelque chose dans la lecture qui n'a pas de fin ni d'objet. »
Aussi, et plus encore dans l'écriture : « Un vrai lecteur, un vrai écrivain ne sont pas des sujets. Ils se
transforment complètement. C'est une expérience difficile, infinie, géniale.
Incroyablement bénéficiante soudain. Dangereuse,
presque mortelle. » Il est un homme exposé, dans un sens plutôt que
dans l'autre.
Il ajoutait : « Ce
n'est pas le français qui m'habite mais ce qui le déborde, le latin, le grec,
le sanskrit. […] La langue que j'aime, celle que j'essaie d'écrire, est une
langue qui n'est pas actuelle, qui est comme traduite d'elle-même. […] Je suis
plutôt un écrivain d'une langue qui traduirait sans cesse d'autres langues,
d'autres sensations, d'autres sens, pour essayer de les faire revenir, comme si
on pouvait essayer de récupérer, non pas une langue, mais le silence de l'Éden,
la fusion du paradis. »
De la poésie donc ? « Après avoir recueilli tant de lauriers, [les poètes] se sont mis à
jouer un rôle vraiment fondamental mais autre que littéraire. Même Mallarmé,
que j'admire, n'était pas clair : dans son humilité, sa modestie complète,
sa petite barque sur la Seine, son ambition demeurait quand même celle d'une
langue universelle et idéale. […] Je ne veux pas être classé écrivain,
romancier, philosophe, poète. »
Pas de dessein de guider le monde, ni d'en créer quelque
autre, ni d'entrer en société des gens de lettres.
Accepté ou recherché la dimension des contraintes, voilà strictement
la part de l'invention. Pascal Quignard ne cherche pas une place dans la
littérature, mais plutôt à s'y perdre. Tel ce M. de Pontchâteau qui avait
abjuré ses titres et jusqu'à son vrai nom pour servir comme jardinier poussant
sa « berouette », et conversant incidemment
avec quelque Sœur ou avec d'autres Messieurs, de choses et d'autres, dans la
langue d'un autre siècle. Attentif au sien cependant, à le connaître et à y
voyager, pour la bonne cause, exclusive de toute autre.
Pierre Campion