Nathalie Riou est professeur. Elle a publié deux recueils : Brise, éd. Encres vives, 2001 et Éclats de jusant, Éditinter, 2003.	
Mis en ligne le 14 novembre 2013.
cœur cœur cœur 
 
 
dieu est un innocent
entre clairière et forêt ombreuse
était un
verger fabuleux où les fruits
étaient la mémoire des fleurs dans les yeux clairs des enfants
 
 
nous nous allongeâmes à l'ombre de l'un des plus beaux
 
 
les rêves ne s'essoufflaient plus en petits nuages pressés
de monter
chaudement nous enveloppaient
 
les vagues
léchant nos pieds ne mouraient pas
s'en allant
emportaient nos vêtements
 
le feuillage bruissant faisait des in-folio sur ton visage
quand je voulais tourner la page je tombais sur le ciel 
 
 
tout à coup un
fruit heurta notre front
 
 
césarienne ma
terre
 
 
l'ombre
maintenant l'ombre attachera nos pas
 
 
esprit muet
	(marc 9-14)
toute sœur qui meurt sort de notre côte
 
dans les ajours de l'osier au fil de l'eau
on voyait scintiller les doux poissons
Ð perméabilité de ton visage
 
ma sœur en sueur
nous te frottions j'ahannais
brûle brûle au chaud de notre cœur
 
ma sœur notre âtre notre lit
la marche divise mais nous allons dans le vide divin
vers vers tes yeux où brûle le pourquoi de la rose humaine
 
ma sœur en suaire
nous scrutons la trame du linge
là-bas bat ton visage qui remue le ciel dans la terre
 
dans les ajours de l'osier au fil de l'eau
on voyait scintiller les doux poissons
Ð perméabilité de ton visage
 
 
broc de l'air
l'aride allait ma vie joindre
 
la verse de toute foi traversée
un à un les visages nous ont semé les voix égrené 
tant nous allâmes contre vents et marées
qu'enfin nous rencontrâmes le rigoureux vertige du retour
 
la flèche s'était faite archet
Ð un chant frissonnait la brume Ð  
je relevai la tête
 
urne faïence rose chair
un peu de vide se fendillant 
donnait à boire une gorgée
fragile de bonheur
 
 
 
Iliec à l'instant
presqu'îles à recevoir à donner la haute mer la basse mer à comblement égal
 
vos rochers cousent le sillon solaire de l'aube aux failles hauturières
 
la flaque au vent  la maigreur élargit
 
il y a une pierre qui file dans l'espace qui casse les carreaux cardinaux et met un ciel à nos doigts de pieds
 
oiseaux si oiseaux que nos yeux s'y blessent que nos mots les flèchent il y faudrait le filet lacunaire du cœur
 
dans la tige du matin qui allonge notre pas le soleil aiguise la brume en fuseau et le vide va parler
 
ici tu n'es pas tu prolonges
 
ici n'est pas
 
laisse
 
 
balle de tennis
elle avait un bouquet de
marguerites
j'avais derrière le dos caché 
mon cœur comme un pavot
 
sur la pelouse des tennis
trois pies composaient en noir et
blanc
la sonate triste et lente d'une fin
d'après-midi d'été
 
ciel gris chaud grave
un instant notre balle
tu l'aimais
 
dans l'amour du vide
dans l'amour finissant du lourd
après-midi d'été
la balle comme un cœur s'est mise à
battre
 
les pies au pied du pavot
jacassaient
 
 
 
au tendre pays des pétales
	point d'homélie
	girouette grince au vent
 
en la prairie fleurie de vents
   la brise est bise
   eau qui se mire se ride 
 
au royaume des eaux profondes
   la vague est lame
   terre a le mal de mer
 
sur la terre frêle et d'argile
   doux amer clair-obscur
   le jour naît d'un regard
 
au pays des fleurs épanouies
   l'air est pivoine
   toute rouge je te la tends
	
 
 
alarme alarme
une étrangère est dans notre langue
et nous saccage et nous aspire
		
 
alarme alarme
elle boit nous boit
me boit mon sang mon sang rouge mon sang bleu
goutte à goutte chambre
 
ô bel enfant
l'eau a plié nos rames
et l'étrangère nous souffle et nous embue
si loin dans le ciel bleu de la langue rouge
 
 
épithalame
au premier oui 
on met le doigt
au feu d'une pierre
 
au second oui après midi
l'ombre du clocher bouge doucement  
comme un feuillage près de l'eau
 
au troisième
etc
 
mais tous les oui
de la ronde de la vie
ne valent pas le dernier
 
qui prend la main du premier
qui s'était endormi
au fond du lac
 
Nathalie Riou