Serge Meitinger : Des corps d'eau. Ces poèmes ont été écrits en présence de gravures de Fabienne Yvetot.
Mis en ligne le 10 avril 2011. DES CORPS D'EAUEt l'unique cordeau des trompettes marines ! Apollinaire (Chantre) et dans la proximité de Fabienne Yvetot I Fluide concret de l'âme arrondi au creux des corps tu affirmes l'eau en l'eau coulée du songe dans la mort — Têtes rondes qui surnagez rêve affleurant le flot sans paupières dorment vos yeux vos regards sont en partance pour quel lointain quel naufrage ou cette proche noyade dansée entre deux eaux ? au fil du nez au fil de l'eau malgré tout naviguez à vue les deux pupilles épatées. 21/02/2011 II D'une seule coulée il vient tel un ondin liquide ondoyant de la croupe cheveux épars dans le courant Ses bras esquissent une brasse timide et molle esseulée — sur le bord il ose à peine la pleine goulée d'un respir D'évasives mains ouvertes — ne tenant ni n'offrant rien — crispent la face des eaux des airs Froissant le flux entre ses doigts à tout ce qui le devance il affronte son étonnement. 22/02/2011 III Méduse — masque blanc de céruse reste une figure de la mer qu'à cause des serpents qui sifflent l'on ne déchiffre plus Flaque-visage en expansion d'une corrosive blancheur elle ouvre une bouche d'horreur à engloutir le monde Orbites béant douleur tentacules nés du néant qui cinglent et flagellent un cortège d'ombres soumises esclaves déjà défunts et passants des abysses. 23-24/02/2011 IV Renversé sur la vague face au ciel — vide et blême aplatie — comme un gros bébé sans doute mort : que disent ces paumes impuissantes ? Qu'offrant offert il est l'offrande aux mânes verts de la houle ce nourrisson au vaste corps dont les chairs sans doute blettes nourrissent les algues les oiseaux — il vogue encore à la surface nageur blafard sans mouvement autre qu'en un flux langoureux la danse même des éléments — élu il touche du nez à l'horizon. 24/02/2011 V Dans l'eau jusqu'aux narines l'enfant sage et songeur ferme les yeux très fort pour retenir son rêve — Tête-boule terrestre et comme faite au tour elle enclôt le tout-monde qui s'arrondit en elle — Un roc à l'horizon répond à une épaule — cils et sourcils s'incurvent en arcs compréhensifs et il hume le flot parfum vivant visible. 08/03/2011 VI Incube natatoire il nage nez en l'air sous l'œil-de-bœuf ouvert en un mur sang-de-bœuf — Avorton sans espèce il pointera du nez l'ovale des guerrières cerné d'un blanc stérile — À grand ahan il vit en sémillante amibe amphibie et prodigue vibrion s'épuisant en sang semence et eau pour vriller vain désir. 08-09/03/2011 VII Et trompettes pâmées — concert sur l'océan aux conques incertaines et trompes pleines d'eau ! Vents sur toute surface fleurant larmes et sel cordes bien délavées ayant perdu le la — Corps d'eau perdus sauvés qu'ils s'avancent vainqueurs hors les vicissitudes de la mer infinie de l'amour éperdu cueillant cendre et musique ! 09/03/2011 VIII Il nous vient les bras levés en un clair élan de surf bel enfant de la victoire surgissant du fond des flots — Cheveux verts verte jeunesse bénisseur il nous salue d'un fonds de pure beauté bienveillant et souriant — Se souvenant de l'amnios son océan matriciel il a plongé dans le monde aspirant au tout de l'air pour chacun comme pour tous surfeur serveur angélique. 09-10/03/2011 IX Prendre appui sur l'arc fléchi d'une aile pour serein surplomber l'horizon — fleurir en un visage plénier grave et même altier et qui se ferme — Ou le front détourné vers le fond redevenir nageur — fleur inverse — la brasse coulant sous l'horizon l'Ange qui regarde vers le bas Suivre le fil du nez l'eau du songe la laissant dégoutter sous la ligne où s'ouvre en cycle vie-et-trépas Suivre le fil de l'eau l'arc du nez écarquillant les yeux pour voir voir l'âme descendre venir au souffle. 10/03/2011 |