Henri Droguet : Avant après avant Henri Droguet est né à Cherbourg en 1944. Il vit à Saint-Malo où il a enseigné les lettres de 1972 à 2004. Il a publié des recueils de poèmes aux éditions Gallimard (Le Contre-dit, Le Passé décomposé, Noir sur blanc, La Main au feu, 48°39'N-2°014W (et autres lieux), Avis de passage, Off) et Champ-Vallon (Ventôses), un ouvrage en prose intitulé Albert & Cie, histoire, aux éditions Apogée, et, en collaboration avec des plasticiens (Thierry Le Saëc, Éric Brault, Dominique Penloup, Pierre Alechinsky), quelques ouvrages d'artiste. Mis en ligne le 28 août 2014. Voir, sur ce site, Comment j'ai écrit certains de mes poèmes (essai), par Henri Droguet. © : Henri Droguet AVANT APRÈS AVANTc'est
la pierre l'aurore et toutes galanteries
forcloses les
heureuses enfin lassitudes les
rêves impairs à l'heure où
l'ombre est dans la lumière — et réciproquement — le
ciel laqué grisailleux pommelu crème et rose peu ou
prou bleu noirci griffonné rayé de
céruse et lait sur du feu trou
perdu
dévoré indéchiffrablement le
ruisselet méandrin glougloute un
grillon discret dans les crachins percolateurs grillonne un poulain nouveau né
se vautre à la volée dans l'herbe
ras
coupée un traquet pâtre
cuicuite au foutoir sempervirens
au talus à la lande en vrac[*] le
vent nourrit l'agneau
claquemure canarde
l'océan grand jardin écumeux miroir où se déperdre
en
temps réel une fois encore
tombeau profond comme nos divans il
rallonge étire l'écaillu scintillant
déroulé l'abîme à cru bousculé l'infini brouillonnement
la vague imprenable
sauvage vérité
vraie creusée noir neigeux transparent
ce sera bientôt la
nuit les ombres insuffisantes pacotille
fétu chant d'absence
plus
noir que noir et bref
et bref que froid encore
toujours là dans
la fuite à l'hiver poursuivi
poursuivant l'oripeau nomade
égaré le transi l'enfant qu'idéalement
je fus moi moi dans une autre vie revenu bout
au vent défixé qui
marche ou rêve transite au
plus simple à l'oubli court à sa perte aux lieux-dits l'étape/
la vertu/ la vie haute/ le
paradis/ la journée/ où/ qui
rit chante à l'île et
les là-bas plus loin plus
loin Arrière ! arrière
beaux vertiges épiphanies rentoilées adieu les
beaux parfums les beaux épis fanés perdus la
table est jetée bas rien
ne va plus les
bêtes mâchent l'ombre les
arbres rouillent et
la neige crispée buissonne mailles mailles
semailles ! semis
et saumures ! les
astres sourds muets s'ébrouent dans
la steppe houilleuse où
ça cabriole les
lauriers sont coupés on
ne dormira plus debout!
arrière les reprisures et
les ultimités ! Kornog !
kornog ! allez
les écumes et
les débaroules ! allez ! c'est
dit les bougeottes et plus de
bavardages ! allez ! le
petit dieu dessaisi balbutiant précieuse
est pourtant sa patience s'exténue l'homme
à tâtons mauvais drôle et
défroque à malice sourit
dans l'insituable c'est
cuisses de soie la chair affamée
lointaine c'est
à la pierre il reste un
feu noir et perdu c'est pour
rire. Lomener-Saint-Malo 6 juin-18 août 2014 [*] Note
pour un amateur : ajonc
barbelé queues de lièvre mourron rouge armeria silène à bedon bruyères asphodèles chandelles des
guimauves et des oseilles grenues rouges la grande fougère et le chèvrefeuille
l'herbe à sept coutures le geranium de Robert les orchis pourpres valérianes diplotaxis crucifère ortie commune la grande vesce liserons
folle avoine gaillet pissenlits pâquerettes et matricaires brômes
rougeâtres romarin fumeterre mélisse et saponaire la sacabieuse
et l'armoise il
y a tout venant tout vu des
mots
qui se perdent
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