Michel Dugué Anthologie. Michel Dugué né à Vannes, vit et travaille à Rennes. A publié des recueils de poèmes (tous les quatre chez Folle Avoine, Bédée) : Une escorte très nue (1983), Le Salut à l'Hôte (1989), Le Jour contemporain (1998) et Les Alentours (2005). A publié des textes en prose et des récits qui gravitent autour de la presqu'île de Plougrescant (Côtes d'Armor) : Un hiver de Bretagne (Éditions Ubacs, Rennes, 1985), Le Paysage (Wigwam, Rennes, 1993), Éléments, formes, nuages (Dana, Rennes, 2000), Le Chemin aveugle (Apogée, Rennes, 2002). Et un livre qui quête, dans la mémoire, « la forme d'une ville » : Vannes, pour mémoire (Apogée, 2004). Mis en ligne le 13 décembre 2005. © : Michel Dugué Merci à Michel Dugué, et à Serge Meitinger qui, en accord avec l'auteur, a préparé cette anthologie. Lire par ailleurs sur ce site Serge Meitinger : « Hommage à Michel Dugué en quatre lectures ». Lire aussi Failles, la page de poèmes de Michel Dugué, publiée le 24 mars 2010. Michel DuguéANTHOLOGIEUne escorte très nue (Folle Avoine, Romillé, 1983) Aujourd'hui est une ombre bâtie et l'encre un seuil à franchir pour l'Espace. Là, l'élan d'une sterne fomente une
respiration ardente, rigoureuse. Alors, pourrons-nous, peut-être,
glisser à l'aise sur nos erres. * * * Une attente — quand vers le soir choit la lumière étonnée de tenir
encore le faîte des arbres — vibratile,
toute en chuchoteries dans l'herbe garante
de l'empreinte du marcheur qui va invisible au bout de la
lumière et s'endort dans
l'ombre pour lui bâtie. * * * La terre si simple ! De peu de mots à vrai dire. Mais des accents
gutturaux qui allaient droits. J'y reviens encore par les landes
froides, si dénudées que je
touche là l'essentiel qui
tient debout les arbres. * * * La mer : une parole s'y
enseigne, née de divers bruits
où dominent les
froissements Il suffit, malgré l'apparente
confusion, de découvrir sous le
feu noir la braise. * * * L'Île 1 S'est-elle posée dans un froissement
à peine audible, mue par le seul
désir de demeurer là ? A-t-elle été jetée par le hasard sur le semis
d'écueils et solidement ancrée afin d'échapper à la
dérive des terres ? Nul ne le saura. 2 Mon île ne règne
pas, sa clarté n'est pas
évidente, d'une lande elle a
fait le monde qui bouge à la crête
des eaux. Parfois, on la
croirait dans un étau, or il n'en est rien, sa superficie change
avec les vents, Sa parole est un
silence occupé à bruire. Quelques livres
affirment que les dieux celtes
et les héros y sont enfouis. (les
pierres levées attesteraient de
l'endroit) 3 Elle accueille, ne donne, ni ne
prend, convoque le mystère dont elle est née. Sombrera-t-elle ? Elle qui fut, qui
sera sans
doute rassemblée dans une paume et ne cillera pas. *
* * * Le Salut à l'hôte (Folle Avoine, Bédée, 1989) CE
SERA L'ÉVIDENCE Il bruit et c'est le
fleuve conservant en
son chant le secret de sa
source. Il s'achemine vers
l'embouchure avec des notes réelles. Il bruit comme ces
paroles emportant vers la
mer le secret de leurs
sources * * * SIMPLE SOLEIL Rien qu'un seuil campé là (centre de
l'étendue) et sur ce seuil l'hôte et derrière lui
la table longue et
pacifiée. * * La table, la
nuit venue est solitaire. L'ombre chuchote
et le repos aussi. La pièce est
vide mais le jour a
laissé les mots
derniers les incertains,
les murmurés. C'est dire,
qu'elle est solitaire quand elle luit de nos voix encore. * * L'aujourd'hui
est tombé avec le jour le simple (qui n'est chargé de rien) le pâle encore l'incertain. L'anonyme où tu
gîtes si loin de toi mais comme un
proche, Le dernier à
mourir. * * Hier, vous fûtes
accordés. Tu avais poussé
la porte du seuil. L'instant
d'après, tu le vis. Vous vous êtes assis (rien n'embarrassait
la table) Vous alliez dans
l'échange simplement. Peut-être,
prononciez-vous les mots effaçant les
inimitiés éloignant la tuerie. * * Les mots que l'on dit sages que je ne connais pas mais dont témoignerait le simple soleil. Rameutant toute beauté en cette union si brève. * * L'arc et la
flèche. À dire seulement
la brièveté du
geste l'avènement du
trait. Repoussant la
limite ou prolongeant
la vue. *
* * * Le Jour contemporain (Folle Avoine, Bédée, 1998) Si peu de
clarté. Et pourtant,
dans le jour même le plus
exténué, un dé de lumière : l'infime braise revêtue
d'un feu bas. * * * Se peut-il que
la nuit embrase le
regard comme une lampe
soudainement fait bondir sa
lumière ? Est-il possible de
ne s'accroître que
de cette fable, si souvent rencontrée dans le Livre ? O douceur, fille de la poussière et du lin, si peu partagée, si
rétive à marcher dans nos clairières. OISEAUX I Il est des
parenthèses de l'hiver qui rendent plus
nécessaires leurs cris
déliés. Ils descendent
dans la lumière orangée et vaquent dans
les herbes comme en un
temps d'avril. II Ils divaguent
comme des choses qui eussent été
remises à l'air. Et qui en ferait
son usage. Si le jour les
convoque la nuit ne les
retranche pas. Vont-ils éclore
ou se défaire sous
la pression machinale du
vent ? L'air ne se
rétablit pas. Il dure. III Ils se meuvent sans
pensée. Mais
sous les serres d'un dessein qui les
cantonne dans les mêmes cercles. Immobiles, ils
reposent sur les faîtières du
toit. Mais leur repos nous
est caché. N'aiment-ils le
bruit que pour s'en
détourner ? Et le silence
pour l'entailler ? IV Leurs cris vont à l'encontre d'eux-mêmes dans une débâcle
qui les fauche. Ils ne s'égarent
pas. Tout point est
leur domaine. Leur absence
n'est jamais loin. * * * Chaque jour se hausse d'une énigme. Il n'en est pas moins jour. Nous nous accroissons de ce présent sans preuve. Ceux-là, nos proches se déclinent étrangers, reliés, parfois, pour l'instant bref qui les voit adossés au lieu de leur naissance. |