RETOUR : Cours de Jacqueline Morne sur Bergson

 

Annexe 4 : la notion de multiplicité

Il y a un emploi très courant de « multiplicité » : par exemple je dis : une multiplicité de nombres, une multiplicité d'actes, une multiplicité d'états de conscience, une multiplicité d'ébranlements. Ici, multiplicité est employé comme un adjectif à peine substantivé. Et il est certain que Bergson s'exprime souvent ainsi. Mais d'autres fois, le mot multiplicité est employé au sens fort, comme un véritable substantif. Ainsi dès le deuxième chapitre des « Données Immédiates », le nombre est une multiplicité, ce qui ne veut pas dire du tout la même chose qu'une multiplicité de nombres.

Pourquoi sentons-nous que cet emploi de multiplicité comme substantif est à la fois insolite et important ? C'est que tant que nous employons l'adjectif multiple, nous ne faisons que penser un prédicat que nous mettons nécessairement en relation d'opposition et de complémentarité avec le prédicat UN : l'un et le multiple, la chose est une ou multiple, et même elle est une et multiple. Au contraire, quand nous employons le substantif multiplicité, nous indiquons déjà par là que nous avons dépassé l'opposition des prédicats un-multiple, que nous sommes déjà installés sur un tout autre terrain, et sur ce terrain nous sommes nécessairement amenés à distinguer des types de multiplicités. En d'autres termes, la notion de multiplicité prise comme substantif implique un déplacement de toute la pensée : à l'opposition dialectique de l'un et du multiple, on substitue la différence typologique entre les multiplicités. Et c'est bien ce que fait Bergson : il ne cessera dans toute son œuvre de dénoncer la dialectique comme une pensée abstraite, comme un faux mouvement qui va d'un opposé à l'autre, de l'un au multiple et du même à l'autre, mais qui ainsi laisse toujours échapper l'essence de la chose. C'est pourquoi il refusera dans L'Énergie créatrice chapitre 3, la question : l'élan vital est-il un ou multiple ? Car l'élan vital est comme la durée, il n'est ni un ni multiple, il est un type de multiplicité.

Gilles DELEUZE : Théorie des multiplicités chez Bergson

http//www.webdeleuze.com

 

Les deux types de multiplicité

 

Multiplicité numérique

Multiplicité interne

 

Multiplicité de juxtaposition

 

Multiplicité quantitative

 

Multiplicité claire et distincte

 

Se développe dans l'espace

 

Addition de quantités sans qualités

 

Multiplicité de pénétration

 

Multiplicité qualitative

 

Multiplicité confuse

 

Se développe dans la durée

 

Multiplicité de qualités sans quantités